jeudi 12 janvier 2012

Lacq : la dette fiscale de Total effacee par la loi de finances

Lacq : la dette fiscale de Total effacee par la loi de finances, Actu-Environnement.com, 09/01/12


par Philippe Collet


La loi de finances exonere de TGAP l'operateur d'un ancien site gazier a Lacq. L'article, defendu par le depute local, declenche la colere des ONG, notamment parce qu'il effacerait une dette fiscale liee a un jugement du TGI de Paris. Explications.

Depuis 1975, les usines situees sur la plate forme de Lacq (Pyrenees-Atlantiques) et la plate-forme chimique de la Societe bearnaise de gestion industrielle (Sobegi) ont l'autorisation d'injecter "des effluents aqueux issus de l'exploitation gaziere, de la chimie du soufre et de la chimie fine (pharmacie et cosmetologie) dans les couches profondes du Cretace du bassin de Lacq [site baptise cretace 4000]", rappelle le Plan de reduction et d'elimination des dechets dangereux en Aquitaine (Predda), precisant que "les effluents injectes sont constitues soit de charges salines, contenant de petites quantites de matiere organique (effluents qui ne sont pas traitables dans une station d'epuration), soit d'effluents contenant des composes soufres fortement odorants dont le traitement en surface genererait des operations de manipulation et de transport tres delicates".

Avec la loi de finances 2012, le site cretace 4000 beneficie d'une exoneration de la taxe generale sur les activites polluantes (TGAP) suite a l'adoption d'un amendement depose par le depute David Habib (PS, Pyrenees-Atlantiques). Une exoneration qui met sur le devant de la scene un contentieux relatif a la nature des produits enfouis dans le sous-sol et qui souleve l'ire des associations France nature environnement (FNE) et Robin des bois.

De l'eau salee…

"Ce n'est pas une activite polluante : c'est simplement de l'eau salee", a defendu le depute lors de la discussion de son amendement, deplorant qu'aucun fleuve ne passe a proximite afin d'y diluer ces effluents. "L'enjeu n'est pas mediocre : l'assujettissement a cette taxe mettra en peril 200 emplois", avance l'elu, precisant que "cette annee [etant] celle de l'extinction de ce gisement", il a sollicite "la solidarite nationale pour pouvoir poursuivre, au-dela de l'extraction du gaz, [les] activites de chimie".

Des arguments qui ont convaincu Gilles Carrez, depute socialiste du Val-de-Marne et rapporteur general de la commission finances de l'Assemblee, ainsi que le gouvernement. "Toute taxe qui met en danger ne serait-ce qu'un emploi industriel dans notre pays doit etre bannie", a explique Gilles Carrez. Quant au gouvernement, represente par Valerie Pecresse, ministre du Budget, il a emis un avis favorable : "le petit cœur sensible qui continue a battre dans le cœur de la ministre du budget estime qu'en effet ces effluents liquides doivent rester exoneres de la TGAP".

…ou des dechets ?

Reste que la nature des effluents liquides est contestee : si l'elu des Pyrenees-Atlantiques n'y voit que des eaux salees, "ce n'est (…) pas l'avis des douanes qui assimilent les rejets – jusqu'a 1.000 m3 par jour - a des dechets industriels", rapporte Robin des Bois qui precise que "les dechets liquides injectes contiennent des hydrocarbures, des metaux lourds, des residus soufres et des phenols, les cyanures [etant] theoriquement surveilles".

En avril 2009, David Habib soulevait deja le sujet a l'occasion d'une question posee au ministre de l'Economie. Le depute expliquait alors que la direction generale des douanes, considerant qu'il s'agissait de dechets, souhaitait appliquer la TGAP aux injections d'effluents. "L'augmentation de la TGAP, proposee dans le cadre du Grenelle de l'environnement, voit le montant de cette taxe passer de moins de 10 euros l'annee derniere, a 20 euros par tonne de dechets cette annee, pour arriver a 40 euros par tonne en 2015", deplorait alors l'elu s'inquietant d'une hausse des charges d'exploitations des societes visees.

L'elu demandait alors a la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, "de bien vouloir intervenir pour que soit examinee la possibilite de ne pas classer ces injections d'effluents en dechets".

4,4 millions d'euros de dette fiscale

La demande du depute a finalement ete rejetee en mars 2010 par la ministre au motif que "la problematique sur le caractere ou non de dechet des injections d'effluents en cretace 4000 a ete portee par la societe concernee devant la justice civile". Un recours forme par "les juristes de Total" devant le tribunal de grande instance de Paris, rapporte FNE precisant que "le tribunal, par jugement du 8 avril 2011, avait bien condamne Total a payer 4.438.692 d'euros a l'Etat".

En tant que President de la communaute de communes de Lacq (CCL), David Habib a ete informe du litige par une lettre transmise par la direction de Total exploration et production France. Lettre dont il a "fait part du contenu (…) concernant le contentieux opposant la societe aux Douanes sur le sujet de la TGAP", rapporte le compte rendu du bureau de la CCL tenu le 1er juin 2011.

"Le gouvernement et les deputes viennent d'effacer par l'article 22 de la loi de finances cette jolie dette", estime FNE suite a l'adoption de l'amendement depose par l'elu bearnais. Quant a Robin des Bois, au dela de la dette fiscale, il pointe un "manque a gagner pour les finances publiques (…) estime a 1,5 million d'euros par an".





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